Le liseur de Bernhard SCHLINK
Le liseur de Bernhard SCHLINK
Edition Gallimard - Collection Du monde entier
1996
201 p.
4ème de couverture :
A quinze ans, Michaël fait par hasard la connaissance, en rentrant du lycée, d'une femme de trente-cinq ans dont il devient l'amant. Pendant six mois, il la rejoint chez elle tous les jours, et l'un de leurs rites consiste à ce qu'il lui fasse la lecture à haute voix. Cette Hanna reste mystérieuse et imprévisible, elle disparaît du jour au lendemain. Sept ans plus tard, Michaël assiste, dans le cadre de ses études de droit, au procès de cinq criminelles et reconnaît Hanna parmi elles. Accablée par ses coaccusées, elle se défend mal et est condamnée à la détention à perpétuité. Mais, sans lui parler, Michaël comprend soudain l'insoupçonnable secret qui, sans innocenter cette femme, éclaire sa destinée, et aussi cet étrange premier amour dont il ne se remettra jamais. Il la revoit une fois, bien des années plus tard. Il se met alors, pour comprendre, à écrire leur histoire, et son histoire à lui, dont il dit : "Comment pourrait-ce être un réconfort, que mon amour pour Hanna soit en quelque sorte le destin de ma génération que j'aurais moins bien su camoufler que les autres ?
J'ai lu ce roman quasiment d'une seule traite. Sûrement parce que la Seconde Guerre Mondiale est un sujet qui me passionne. L'auteur aborde une des facettes - ou plutôt une des conséquences - de cette guerre, qui est la fois importante, essentielle et pourtant trop peu abordée.
Après la guerre, Hanna poursuit sa vie tranquillement. Ce n'est que de nombreuses années plus tard que le passé ressurgit et qu'elle est jugée pour sa collaboration avec les nazis. Car Hanna faisait partie des SS, des gardiennes dans les camps de concentration. Son procès se passe très mal et elle est condamnée à la détention à perpétuité. Pourquoi? Parce qu'elle n'a jamais voulu mentir sur ces actes passés et qu'elle faisait parti des moins "méchants" parmi les "méchants" (dit de façon tout à fait primaire, je le conçois). Sa naïveté, sa maladresse à manier les mots et son honnêté ont été faciles à utiliser contre elle, et elle fut accusée de tout, même de ce qu'elle n'avait - peut-être - pas commis.
L'auteur a réussi à créer une femme attachante - notamment grâce à son secret qui se dévoile au dernier tiers du livre et qui éclaire beaucoup de choses de la vie d'Hanna-. C'est pourquoi on oublie parfois les atrocités qu'elle a commises ou tout au moins laissées faire, et on se surprend à espérer que tout ira dorénavant mieux pour elle. Car le but ici n'est pas de condamner sans comprendre, mais bien de mettre en lumière la culpabilité qu'on ressentit certaines personnes quant à leur participation à un des plus grands drames de l'Histoire. Avec cette question que Hanna pose à plusieurs reprises au juge et qui laisse un goût amer sur les lèvres : à ma place, qu'auriez-vous fait? Ne jamais oublier que tout n'est pas blanc ou noir, que certains n'ont pas forcément choisi leur camp, que si des monstruosités se sont passées sous leurs yeux et qu'ils n'ont rien fait, c'est qu'ils n'en avaient peut-être pas les moyens, et que de cette guerre ils ne s'en remettrons peut-être jamais car la culpabilité est un des pires sentiments que l'on puisse ressentir.
Avec Le liseur, Bernhard Schlink remet les choses à sa place et nous fait un peu relativiser ces évènements afin que nous ne soyons plus aussi catégoriques sur le sujet. Il ne faut pas coller la même étiquette à toutes les personnes d'un mouvement commun ; il y a les meneurs, les suiveurs et ceux qui se trouvent là par un mauvais calcul et qui, coincés dans cette masse, ne peuvent plus s'en dépêtrer.
L'histoire entre Michaël et Hanna, qui constitue la première partie du roman principalement et qui explique l'importance du procès aux yeux de Michaël, m'a moins touché car j'ai du mal à concevoir une histoire d'amour entre deux personnes ayant une aussi grande différence d'âge. Le fait que Hanna ne ressente pas la moindre gène à entretenir une relation avec un mineur m'a un peu troublé, je ne le comprends pas.
Hanna ne se remettra jamais de cette sombre période de sa vie et je pense que je me remettrai que difficilement de cette lecture, dans le sens où elle a eu un grand impact sur moi.
Le liseur n'est pas un best-seller pour rien.
Citation :
"Pourquoi ce qui était beau nous paraît-il rétrospectivement détérioré parce que cela dissimulait de vilaines vérités? Pourquoi le souvenir d'années de mariage heureux est-il gâché lorsque l'on découvre que, pendant tout ce temps-là, l'autre avait un amant? Parce qu'on ne saurait être heureux dans une situation pareille? Mais on était heureux! Parfois le souvenir n'est déjà plus fidèle au bonheur quand la fin fut douloureuse. Parce que le bonheur n'est pas vrai s'il ne dure pas éternellement? Parce que ne peut finir douloureusement que ce qui était douloureux, inconsciemment et sans qu'on le sût?" p. 41.